La veille au soir, jusqu'aux prémices de l'aube, un groupe d'adolescentes s'était rassemblé dans la chambre de Nea Nezvanova. Autour du lit sagement arrangé, toutes parées d'un accessoire vantant les couleurs de leur division, elles s'échangeaient des bricoles et quelques rumeurs qui, bientôt, allaient pouvoir faire leur grande apparition dans les couloirs de l'académie.

Les idées obscures et mots abjectes de cette soirée ─  et c'était à prévoir ─ dégorgèrent sur le réveil de chacune, laissant un goût amer sur leur langue, étouffant leurs premières pensées d'une malédiction noire. Méfiante de ce que la veille lui avait apporté en plus de ce réveil assommant, Nea se dirigea, le visage crispé, vers un grand miroir rectangulaire, allongé sur sa largeur. Elle y aperçu un visage d'autant plus pâle qu'il ne l'était déjà et sous ses yeux bleus, deux ombres brunes gâchaient son charisme naturellement éclairé. Machinalement, ses deux mains vinrent lentement s'éprendre de sa chevelure rouge pour les coiffer en une tornade sur le devant de son épaule, s'étalant fatiguée sur son son sein droit, couvert de la simplicité d'un fin chemisier blanc.
La salle de bain l'attendait, sa porte légèrement entrouverte. Pendant une heure et demi, elle resta occupée et lorsqu'on ouvrit sa porte, s'en sorti une buée légère ainsi qu'un parfum de propreté provenant des multiples savons utilisés par l'élève. Ensuite assise à son bureau d'étude qu'elle utilisait également pour appliquer ses derniers préparatifs quotidiens, Nea soupirait, sentant les heures de travail approcher. Heureusement, il lui restait quelques petits plaisirs à savourer avant de s'avouer vaincue, tels que l'odeur du café, les bavardages matinaux (parce que même si tôt, elle était bien capable de socialiser) et peut-être les flatteries d'autres élèves à son égard.

Les prochaines heures s'étaient déroulées dans le calme le plus tendre: quelques jeunes filles en uniforme s'étaient déplacées afin d'embrasser leur camarade courageuse, cette dernière prétendant au mieux profiter d'une matinée paisible et agréable devant les quelques étudiants «violets» qui traînaient encore dans la cantine, quelques minutes avant les premières heures de cours. Le reste de la matinée avait été comme un dimanche à la messe: les discours soporifiques des professeurs et les foules d'élèves entrantes puis sortantes des salles de cours ... Un rythme las et redondant qui ne ressemblait en rien à la journée idéale.
Vers quatorze heure trente, Nea en avait fini avec son repos post-étude duquel elle profitait environ deux à trois fois par semaine, quelque part, sur l'un des bancs du terrain de basket-ball. La plupart des élèves qu'elle respectait le plus faisait partie du club, et malgré sa mauvaise nature, l'élève Aer se plaisait à aider les sportifs dans leur entraînement. Elle sifflait les matchs, lançait des bouteilles aux assoiffés et n'hésitait pas à moquer les performances les moins spectaculaires. A cela, elle excellait.

Le terrain d'entraînement était un endroit que Nezvanova n'appréciait guère, puisqu'il lui rappelait que toute cette nature n'était qu'artificielle et que le vrai dehors ne l'attendait sûrement plus. Mais c'est ici qu'elle pouvait rencontrer son potentiel, au-delà des cours magistraux, et assurer que ce dernier s'étende jusqu'à satisfaction. Elle prit alors le temps d'y faire un tour, rapidement, pensait-elle … Jusqu'à ce que ses pas las d'avoir marché sous cette fatigue plombante, s'arrêtent à la vue d'une silhouette en mouvement. La stature du bonhomme était puissante, plutôt impressionnante aux yeux de sa camarade, et sa performance admirable. Dans cet endroit peu entretenu, Nea se réjouissait d'être tombée sur un combattant aussi bon. Sûrement à cause de sa nature intéressée, car elle voyait déjà en lui, un potentiel faire-valoir, un élève d'une certaine classe qui pourrait favoriser sa réputation au sein de l'académie; comme si son prestige actuel ne suffisait pas.

─ Ça ne serait pas mieux dehors? L'entrainement? annonca-t-elle, d'une voix un peu trop accueillante pour ce que Nea était réellement.

L'étudiante se tenait sagement deux à trois mètres derrière son interlocuteur occupé, les mains cachées dans les poches de sa veste d'uniforme qu'elle avait à nouveau enfilé, après avoir assisté les joueurs du club de basketball. Cet endroit où les deux violets à la nuance presqu'identique, était bien plus frais qu'à l'extérieur où il était presqu'impossible de respirer avec une certaine épaisseur sur le dos.

─ J'ai entendu dire que les Elto étaient du genre solitaire. Du coup, … Ça n'dérange pas si je viens combler les lieux, quelques minutes?

Évidemment, en réalité, elle se fichait de connaître l'avis de l'Elto ou de n'importe quel autre Elto. Nezvanova essayait juste de s'approcher de cet élève qu'elle n'avait encore jamais rencontré auparavant. Étrangement. Avec sa carrure, il aurait carrément la possibilité d'être extrêmement populaire! Nea s'en voulait presque de ne faire la connaissance de l'épéiste qu'après trois longues années à l'académie. Elle en déduit alors qu'il s'agissait d'un jeune homme fort seul.