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Aussi simple que ça. En fait, pas vraiment. Pour Pio, c'était pas aussi simple que ça. Loin de là. C'était même très compliqué, trop complexe. Devoir s'attacher à une personne pour ne pas la perdre, signifie arrêter de papillonner à droite à gauche. Et ça, c'était sa ligne conductrice. C'était comme perdre son pantalon pendant un conseil de guerre. Horrible sensation n'est-ce pas? En tout cas, selon elle, ça semblait aussi simple que ça. Il avait préféré méditer que parler, et comme l'adage le dit si bien, la nuit porte conseil. Ses paupières se sont fermées, et le voilà de retour dans le pays des rêves. Espérons que pour ce soir, il aura le droit à une petite trêve.

Un appartement miteux dans un quartier de merde. Le sol est recouvert de planches en bois qui grincent, couinent, beuglent à chacun de vos pas. La fumée est trop dense, trop épaisse pour y voir correctement. C'est opaque dans cet appartement. Pourtant, Pio n'est pas en train de fumer des gros joints fenêtres fermées pour profiter d'un effet aquarium. Non. Son père par contre, empile les mégots de cigarette dans le cendrier, celui-ci à ras bord. Tellement, qu'à chaque fois qu'il y dépose un mégot, certains se font la malle et tombent jusqu'au sol. Il se lève et éclate la bouteille de whisky contre le mur en râlant des trucs incompréhensibles. Puis, il beugle à son tour, incitant Pio à faire de quoi bouffer pour ce soir. Le vieil homme et lui, en tête-à-tête au salon, se regardant, n'ayant aucun respect l'un pour l'autre. Père Salazar prend une cuillerée de soupe et la recrache aussitôt. "C'est dégueulasse ta merde, fils de pute". L'insulte était très bien choisie au passage. Pio bronchait pas, jusqu'à ce qu'une ceinture lui fouette le visage. Ce soir, le vieux était allé trop loin. Agabe de son deuxième prénom s'était levé pendant que son père avait le dos tourne - certainement pour aller chercher à boire après avoir martyrisé son fils - et lui éclatait la chaise sur le dos. Les barreaux se fissuraient, un craquèlement se soulevait, le bois était défait. Un cri, pas de douleur, plutôt d'énervement dirais-je, transperçait le "calme" de la pièce. Pio avait filé avant même que le vieux puisse se lever. A partir d'aujourd'hui, inutile de mentionner qu'il ne retournerais pas chez lui. Il errait dans les rues, sans le sou, et regardait toujours par-dessus son épaule pour voir s'il n'y avait pas un vieillard alcoolique qui le suivait, ceinture à la main dans les rues du quartier ouest de Dandelion City.

Pio s'était réveillé, il faisait encore nuit, tout le monde dormait ici. Du moins, Lucia et les autres de sa division. Les pauvres avaient enfin pu trouver le sommeil malgré le boucan qu'ils avaient foutu tout les deux. A croire que c'était presque fait exprès. Ok. La seconde session, le lit qui frappait contre le mur, ça c'était fait exprès. Il s'était levé du lit, quelque chose lui déchirait l'intérieur. Rongé par son père, le garçon avait déposé un doux baiser sur le front de la demoiselle et s'était revêtu. Sans faire de bruit, grâce aux ténèbres, il avait pu quitter l'appartement sans réveiller rien ni personne. Sa route allait terminer là où elle se devait de terminer : Chez son père. Chez lui. Mais il n'y aura pas de banderole "Welcome home" cette fois-ci. Le retour au bercail allait se montrer douloureux. Depuis son arrivée à l'académie, Salazar Agabe Pio n'a jamais osé y retourner. Aujourd'hui il décide enfin de reprendre les choses en mains. Et pour Lucia, il lui enverra un message dès que le jour se lève, pour expliquer son départ. A moins que son père le batte si fort, que le petit Pio meurt tragiquement dans cet appartement. Surtout qu'il s'est juré de ne jamais utiliser la magie contre un miséreux comme lui.