Le cristal avait explosé. Il avait explosé alors que tu t'entraînais, sur le terrain d'entraînement. Il avait explosé alors que tu courrais, que tu te préparais à l'utiliser. Il avait explosé. Il avait explosé, te propulsant en arrière, te faisant te cogner la tête contre le sol dur. Il avait explosé, s'enfonçant dans ta chair, évitant tes yeux de justesse. Il avait explosé, emportant avec lui ton souffle. Le cristal avait explosé comme avait explosé ta frustration juste après. Merde ! avais-tu eu envie de hurler, les poings serrés, le cristal toujours dans ta poitrine, le dos douloureux à cause de la chute.

Merde, avais-tu dis ensuite, en te rendant compte que ça faisait vraiment mal, que ton cœur battait trop vite, que tes membres tremblaient et que tu ne pouvais pas te lever seul tellement ça faisait mal. Merde, avais-tu eu envie de dire ensuite, en te rendant compte que tu n'arrivais pas à faire disparaître ce cristal que tu avais toi-même créé parce que tu flippais beaucoup trop d'un coup.

On t'avait aidé, certain qui étaient sur le terrain d'entraînement également et on t'avait emmener à l'infirmerie. Tu les avais remercié, toujours frustré, toujours énervé contre toi-même de ne pas être assez concentré sur l'entraînement pour que le cristal explose comme le verre s'explose sur le sol.

Alors tu es là, sur ce lit, allongé, torse nu, quelques pansements sur ton torse, ta cicatrice bien à l'air. C'est pathétique. Tu t'énerves toi-même. A force, tu vas devenir des cicatrices ambulantes. Tes doigts se portent à ta joue, un morceau de cristal l'avait effleurée.

Au moins, tu sais que le cristal que tu crées n'est pas tout gentil tout mignon et qu'il peut vraiment faire mal. Tu aurais juste préféré l'apprendre autrement.

– Quel con, laisses-tu échapper dans un soupir.

Il fallait que tu quittes l'infirmerie, que tu retournes t'entraîner. Il fallait que tu te lèves et que tu te bouges.

La porte de l'infirmerie s'ouvre brutalement, te faisant sursauter et grimacer à cause du mouvement brusque qui tiraille ta peau. Bon, peut être que tu n'allais pas repartir t'entraîner dans la seconde. L'infirmière t'avait dis deux semaines de repos au minimum, mais deux semaines, c'était trop. Tu avais besoin de t'entraîner, rêvasser dans un lit n'était pas ce que tu voulais faire, ça non.

Hiro Matsunori.

Tu laisses échapper un rire quand il se poste à côté de toi et tu te redresses doucement, ta tête t'enfonçant dans le coussin. Les anti-douleurs qu'elle t'avait administré commençaient à faire effet et tu n'avais qu'une seule envie : fermer les yeux et dormir.

Sa voix s'élève dans l'infirmerie et tu rigoles une nouvelle fois. Tu lui réponds alors au tac au tac :

– Et moi je vais finir par croire que tu t'inquiètes pour moi, Hiro.

Vous n'étiez pas amis. Vous n'étiez pas seulement des connaissances non plus. Vous aviez une relation bizarre, basée sur une confiance mutuelle à cause d'une mission qui avait mal tournée. Toutefois, tu savais que quand il te chambrait, ce n'était pas pour être méchant. Et à chaque fois qu'il prenait de tes nouvelles, tu ne pouvais t'empêcher de sourire et de te dire qu'en fait, il était plutôt sympa, que tu passais du bon temps avec lui et que c'était plutôt agréable, en fin de compte.

– Quel bon vent t'amène ?

Tu laisses échapper un rire qui te fait ensuite toussoter. Il se laisse tomber sur le siège et tu l'observes, tes yeux se fermant quelques instants. L'infirmière, hein ? Le cul et les seins de l'infirmière, plus précisément. Bof. Toi, t'aimais pas ça, les seins. Ca te dégouttait pas, non, mais tu trouvais ni ça attirant ou excitant ou quoique ce soit d'autres du genre. Il mime des gros seins et tu pouffes de nouveau avant de fermer les yeux. La voix un peu pâteuse, tu marmonnes :

– J'ai pas regardé.

Un léger silence s'installe entre vous et tu te permets de rester les yeux fermés alors que tu as l'impression que ton corps est lourd, très lourd. Les anti-douleur font effet et tu sais que dans quelques instants, tu vas être partagé entre l'envie horrible de dormir et celle de raconter tout ce qui te passera par la tête. C'est ce qui s'était passé la première fois, quand tu avais été amené de toute urgence après cette mission qui avait mal tourné, deux ans auparavant.

– Je suis plutôt tourné vers le service trois pièces, tu sais, murmures-tu avant d'ouvrir brutalement les yeux, les joues soudain rouges.

Par tous les enfers et tous les dieux qui peuvent exister... tu as vraiment dis ce que tu as dis ?! Tu toussotes légèrement, détournant le regard. Tu te donnerais des claques, tiens, si t'étais capable de lever la main.

– T'es génial toi ! Faudrait que tu sois défoncé plus souvent !

Oui, mais non. Surtout pas. L'infirmière t'avait donné trop de morphine, c'était obligatoirement ça, oui, elle t'en avait trop donné et voilà où tu en étais. Tu es rouge comme une tomate et tu détournes le regard, la tête et tu voudrais t'enfuir le plus loin possible. Chose plutôt difficile vu que tu sens de moins en moins tes membres et que tu as envie que d'une seule et unique chose : dormir.

Attends.

Attends deux minutes.

Réfléchis, fais fonctionner ton cerveau. Il est debout, juste là, juste tout près de toi, trop près de toi. Il est là, entrant dans ton espace personnel, se penchant sur toi, laissant sa langue parcourir ton cou. Laissant quoi ?! Tu es trop surpris pour réagir, tu as un léger mouvement de recul, mais presque imperceptible. Ton corps ne réagis pas de la façon dont il devrait, tu as l'impression de ne plus rien avoir sous contrôle et tu en paniques presque.

– Ne me demande pas pourquoi, j'en ai juste envie.

C'est un murmure. Un murmure contre tes lèvres. Et il t'embrasse, là, doucement. Une de ses mains proche d'une des tienne, l'autre toute proche de tes cheveux. Pendant un instant, tu fermes les yeux. Pendant un instant, tu fermes les yeux et tu te laisses faire, tu le laisses t'embrasser, tu laisses ses lèvres picorer les tiennes, tu laisses sa langue rejoindre la tienne. Pendant un instant, c'est tes envies, ton corps qui prend les commandes, qui se laisse faire et un léger soupir d'aise t'échappe même. Ce genre de soupir que tu ne sors jamais, ce genre de soupir que tu contrôles habituellement. Ta main vient même glisser contre la sienne, pour que tes doigts puissent frôler les siens. Tu te laisses faire, tu participes même au baiser, les yeux fermés.

Puis tu penses à Nikolaï.

Tu penses à Nikolaï et à la dernière fois que tu as laissé tes envies prendre le dessus. Tu penses à Mathys, le seul mec avec qui tu as couché depuis ta séparation avec Nikolaï. Tu penses à comment tu te sentais, à comment tu n'as plus osé te regarder dans un miroir. Et pendant un instant, tu te hais. Tu te hais et tu le hais, lui, Nikolaï, lui qui est toujours présent partout dans ton être et à cause de qui tu n'arrives pas à tourner la page, peut être n'y arriveras-tu jamais, après tout. Peut être que tu n'as pu aimer qu'une personne, que tu ne pourras plus jamais aimé ensuite. T'en sais rien.

Et tu le repousses, en mettant tes mains tremblantes car faibles sur son torse, en détournant la tête, en fermant les yeux.

Et dans ta tête, il n'y a que Nikolaï. Nikolaï et ses lèvres, Nikolaï et son rire, Nikolaï et son regard, Nikolaï et ses caresses. Nikolaï, Nikolaï, Nikolaï. Et tu te hais pour ça.

– Je peux pas...

Et c'est la seule chose que tu arrives à articuler.

Il ne cherche pas plus loin et tu soupires de soulagement. Un silence s'installe et tu croirais presque qu'il est parti, qu'il a oublié et qu'il ne compte pas en parler, vu que c'était juste une envie comme ça, une envie passagère sans rien de plus.

– Il s'appelle comment ?

Tu n'as pas le temps de répondre. Vraiment pas.

– Eh ! Ca fait combien de temps que tu ne t'es pas envoyé en l'air ?
– J't'en pose des questions moi ?

Oui, t'es vexé. Ta moue est boudeuse et ton regard rouge fixe le plafond. Nikolaï. Il te foutait pas la paix même après tout ce temps, hein ? Entre Mathys l'année précédente et Hiro, tu savais que tu pouvais faire un peu ce que tu voulais, t'étais pas moche, même si tu ne pensais pas plaire plus que n'importe qui d'autre et si t'en avais vraiment envie, tu pouvais aller voir ailleurs. Enfin voir ailleurs. Y avait pas vraiment à voir ailleurs vu que tu ne voyais personne. Tu hais vraiment Nikolaï, là, en ce moment même.

Tu lui as répondu un peu froidement, tu le sais, alors tu soupires, le regard et marmonnes légèrement :

– Nikolaï, il est plus ici.

Et c'est la première fois que tu en parles à quelqu'un d'autre que ton frère, et tu as l'impression de l'avoir trahi, encore plus que si tu avais couché avec Hiro. Ta langue humidifie tes lèvres dont le goût de l'autre y est toujours et tu fermes les yeux un instant avant de le regarder.

– J'croyais que tu préférais les paires de seins.

Parce qu'il faut que tu changes de sujet, il faut absolument que tu changes de sujet.

Tu fuis cette conversation comme la peste, en fait. Tu ne veux pas parler de Nikolaï, de ce que tu ressens, de ce pathos horrible qui t'entoure depuis qu'il t'a lâché comme une merde. Comme si tu n'avais pas compté, comme s'il ne t'avait pas aimé, comme si tu n'étais rien. Peut être l'étais-tu, au final, rien. Rien, rien, rien. Absolument rien. Après tout, vous auriez pu continuer, ça aurait été compliqué, mais vous auriez pu. Tu le sais, tu aurais tout fait pour que ça marche, parce que tu l'aimais à en perdre la tête, parce que tu l'aimes à en perdre la raison.

– J'ai pas de préférence en fait. J'aime autant une bonne paire de seins qu'un joli p'tit cul. Il marque une légère pause avant de reprendre plus vigoureusement : Enfin on s'en fout. Aller ! Parle moi de lui !

Tu as envie d'en parler, de te libérer, de dire ce que tu penses, d'insulter cet homme qui t'a laissé tomber, de pleurer comme un gosse. En fait, t'as envie de pleurer, d'un coup. C'est quoi ? C'est la morphine qui te donne envie de pleurer ? Qui te fait avoir toutes ces pensées négatives ? C'est pas censé faire planer, normalement ? T'as vraiment des drôles de manières de planer, hein.

– On a été ensemble quelques mois.

Pourquoi tu l'ouvres ? Pourquoi tu parles ? Pourquoi tu lui racontes ça ? Tais toi. Tais toi. Tais toi ! Tais toi !

– Il a cinq ans de plus que moi. Il m'a lâché. Comme une merde. C'est tout. Et moi j'suis pathétique parce que j'm'accroche. Et y'a rien à s'accrocher, c'est tout. C'est nul. C'est pas drôle, et j'suis fatigué.

Tu déprimes, d'un coup, tu te mets sur le flanc, l'observes un instant avant de caché ton visage dans l'oreiller. Tu lâches alors, pas sûr qu'il t'entende à cause de ta voix étouffée :

– Pardon, c'est pas drôle, j'suis pas intéressant.

Ah. Et dis lui merci, aussi, pendant que t'y es.

Remercie le.

– Au fait, merci.

Merci de m'avoir sauvé la vie. Merci de me trouver attirant. Parce que c'est quand même gratifiant. Alors merci. Mais tu n'es pas sûr qu'il comprenne. Tant pis, c'est pas grave. Tu veux dormir.